mardi 12 août 2008

Ca vaut un Potosi

A 6h du matin nous arrivons à Potosi, au sud de la Bolivie à 3976m d'altitude.

Il fait un froid de canard quand le taxi nous dépose sur la Plaza de armas.


Potosi est une vraie ville coloniale. C'est ici que les colonisateurs commencèrent à exploiter le sol pour extraire l'or et l'argent. En 1650, Potosi comptait 160.000 habitants, plus que Paris, Londres ou Madrid à l'époque. Au 17ième et le 18ième siècle c'était une des villes les plus riches du monde, d'ou l'expression en espagnole « Vale un Potosi ».



Mais ce n'est pas la population locale qui est devenue riche. Et c'est encore ainsi aujourd'hui au vu des conditions de travail et salariales des 15.000 mineurs qui travaillent encore dans le sous-sol du Cerro Rico. Nous allons visiter la mine avec un ex-mineur.


Il y a des centaines de coopératives de mineurs qui labourent dans cette montagne qui culmine à 4.700m. Durant la révolution nationaliste de 1952 l'exploitation des mines a été nationalisée. Même si cela a été revendu dans les années septantes, les coopératives payent toujous une taxe annuelle à l'Etat, qui possède le sous-sol du Cerro Rico. Ces coopératives vendent les extractions d’étain et le peu d'argent qu'on trouve encore aux 26 entreprises privées locales, qui vendent à leur tour aux entreprises étrangères.

Devant l'entrée une dizaine de mineurs trient la matière qui sort des couloirs de la mine, souvent à la main ou avec une pelle. Cette coopérative emploie environ 100 travailleurs. C'est une organisation quasi identique aux entreprises privées. Le directeur prend une part fixe des bénéfices, les responsables d'équipe ont un salaire fixe. Tous les autres gagnent en fonction du résultat du travail. Comme notre guide Freddy le dit, le salaire dépend de la chance. Pour un bon mois ils peuvent gagner jusqu'à 2.000 Bs. (bolivianos), soit 200 €. Si le mois est mauvais, cela peut se réduire à la moitié jusqu'à un cinquième. De cette paie, le chef retient la moitié pour acheter les outils, la dynamite, les vêtements de travail et les feuilles de coca. Pour couper la faim et pour allèger le travail, les mineurs mâchent toute la journée une grosse boule de feuilles de coca.
Le salaire dépend aussi du travail qu'on effectue: les débutants, souvent jeunes, commencent comme pousseur de wagon, qui pèsent chacune 500kg en plus d'une tonne de matière. Il y a ensuite ceux qui remplissent les wagons. Ils remplissent des sacs de 50kg et les sortent à l'aide d'une carriole d'une galerie à l'autre. Ceux qui travaillent au front à l'aide des marteaux piqueurs subissent le plus la poussière et le manque d'oxygène.


Deux jeunes mineurs poussent un wagon dans la galerie. L'un d'entre eux a 14 ans et travaille depuis ses 12 ans dans la mine. Il combine cela avec ses études le soir et il vient travailler tous les jours des vacances. C'est le cas de la plupart des jeunes à Potosi parce qu'ils doivent aider à combler le budget familial. Même si la loi interdit formellement le travail en dessous de 18 ans, il n'y a guère de contrôle de l'Etat.

Il en va de même du temps de travail, officiellement à 6h par jour, 6 jours semaine. La plupart des mineurs font des heures supplémentaires, pour augmenter la chance, comme disait Freddy. Au plus vite et au plus ils trouvent des vaines exploitables, au plus ils pourront gagner à la fin du mois.
Officiellement donc, la journée commence à 9h et à 12h on fait sauter la dynamite pour reprendre le travail dans les zones attaquées de 14h à 17h. Alors on fait de nouveau sauter la dynamite pour l'équipe suivante qui descend.





Un peu plus loin dans le labyrinthe des galeries on rencontre Francesco et San Domingo, respectivement 45 et 47 ans. Ils ont plus de 20 ans d'expérience dans la mine et sont donc responsable d'équipe.

Mais beaucoup de mineurs n'arrivent même pas à cette âge là à cause de la silicose, une maladie qui attaque les poumons des mineurs dans le monde entier et qui réduit la capacité respiratoire à 20%. Le travail dans la mine est encore rendu plus difficile à cause du manque d'oxygène à cette altitude. Ceux qui arrivent à l'âge de la pension émigrent à Cochabamba, qui se trouve à seulement 2.500m.

Quand on pose la question sur les accidents de travail, on reçoit peu d'informations. Chaque année, 10 à 12 mineurs meurent dans cette montagne de 2 km de diamètre. Il y a souvent des blessés, surtout aux mains et aux bras, à cause des pierres qui tombent. Mais on ne saura pas le nombre. Nous assistons au forage, qui se fait avec des foreuses hydrauliques et à l'eau, pour évacuer la poussière. Dans la vidéo vous verrez l'explosion de dynamite, qui se fait tous les jours à 12h et à 17h.



Pas loin de la sortie Freddy nous amène dans une galerie abandonnée où se trouve l'oncle, El Tio, chez qui les mineurs apportent régulièrement des offrandes comme des feuilles de cocas, des cigarettes et l'alcool à 96° qu'ils boivent eux-mêmes. Ils boivent l'alcool pur, parce que cela garantira aussi de tomber sur des veines pures. El Tio représente le diable qui habiterait la montagne. Pour l'apaiser on offre souvent un foetus de lama, car « plus de sang lama signifie moins de sang de mineurs ». Comme c'est la coutume lors des offrandes Freddy fait un voeu. Il dit qu'il a trouvé une vaine d'argent il y a quatre ans, le tourisme, et il souhaite encore plus de touristes pour lui rendre, à lui et à sa famille, une vie prospère. Et à nous un bon voyage. Nous souhaitons surtout que les mineurs puissent obtenir de meilleures conditions de travail et un avenir aux jeunes boliviens.







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